Les “Espoirs du Management” : une inspiration pour changer

logocercledesechos2Texte ini­tia­le­ment publié sur le Cercle des Echos

 

La semaine der­nière se tenait à la mutua­li­té la céré­mo­nie de remise des “Espoirs du Mana­ge­ment”. Pour ceux qui s’intéressent au sujet, cette céré­mo­nie fut une admi­rable mise en avant de ce qu’il était pos­sible de faire, dans la vrai vie, pour faire évo­luer les façons de tra­vailler ensemble, c’est-à-dire le mana­ge­ment.Sur le prin­cipe des césars, des oscars ou des molières, pour sa 7e édi­tion les Espoirs du Mana­ge­ment, bien nom­més, ont mis en com­pé­ti­tion trois nomi­nés un peu par­ti­cu­lier. Qu’il y a‑t-il de com­mun entre les pom­piers de Saône et Loire, le fabri­cant de clô­tures Lip­pi et celui de tar­te­lettes Poult ? Cha­cun à sa façon tente l’aventure pour trou­ver un autre fonc­tion­ne­ment col­lec­tif, une autre manière de tra­vailler ensemble. Ils le font à leur manière, concrè­te­ment, en tâton­nant par­fois. S’ils se retrouvent nomi­nés c’est qu’ils réus­sissent. Qui sont-ils ces aven­tu­riers du mana­ge­ment et qu’ont-ils fait de si extraordinaire ?

1- Le colo­nel sou­hai­tait gar­der les pom­piers aus­si entre­pre­nants à la caserne où ils rede­ve­naient des bureau­crates que sur le ter­rain où l’audace suc­cé­dait à l’exploit. Il a donc fait appel à des socio­logues pour com­prendre ensemble com­ment changer.

2- Le patron héri­tier mais pas fai­néant du fabri­cant de clô­tures sou­hai­tait prendre le virage « inter­net » pour ne pas stag­ner. Le virage fut plus raide que pré­vu puisqu’il trans­for­ma des ouvriers en com­mu­ni­ty mana­ger et débou­cha sur une nou­velle ligne de pro­duits à 68% de crois­sance sur leur mar­ché atone,

3- le fabri­cant de tar­te­lettes en gros lui a osé « déhie­rar­chi­ser » c’est-à-dire faire fonc­tion­ner une usine de 800 per­sonnes sans chef. Elle tourne, l’usine, et non seule­ment elle tourne, mais ses sala­riés se disent réel­le­ment épa­nouis (sur scène, ils en ont l’air) et par sur­croît ils pro­duisent de la crois­sance et de l’innovation.

Déve­lop­per l’initiative, chan­ger de métier, chan­ger les rela­tions hié­rar­chiques, ces trois chan­ge­ments ne sont pas ano­dins. Ils ne se font ni en jour ni tous les jours. Pour un pro­fes­sion­nel du sujet ils s’ordonnent même ain­si par niveau de dif­fi­cul­té crois­sante de chan­ge­ment. Le public de pro­fes­sion­nels qui a élu le gagnant en choi­sis­sant Poult et la « déhie­rar­chi­sa­tion » ne s’y est pas trompé.

Les Espoirs du mana­ge­ment rejoignent  l’Ecole de Paris (vous pou­vez faire sa connais­sance sur notre site inter­net) comme ins­ti­tu­tions en prise sur le réel qui détectent et mettent en avant des pra­tiques alter­na­tives « d’action col­lec­tive » comme disait Michel Cro­zier qui se trouvent rare­ment dans les livres ou les théories(1). Dans la période que nous tra­ver­sons, où nous sommes appe­lés à réin­ven­té beau­coup d’éléments de cette « action col­lec­tive » voire plus lar­ge­ment des orga­ni­sa­tions ces exemples éclairent, montrent les pos­sibles, donnent l’exemple et l’énergie pour se lancer.

Sur scène Hen­ri de Cas­tries, pré­sident du jury et d’Axa côtoie Xavier Fon­ta­net, ancien pré­sident d’Essilor et Fran­çois Nogué DG RH à la SNCF : l’évènement est sérieux car le sujet l’est tout autant. Les chan­ge­ments dont il s’agit semblent sou­vent dési­rables à la base et impos­sibles aux diri­geants, uto­piques en quelque sorte. Mettre en avant ces ini­tia­tives per­met de dif­fu­ser auprès de ceux qui peuvent les déci­der la convic­tion que ce chan­ge­ment est pos­sible, ni simple ni idéal mais pos­sible. Au bout du compte les diri­geants qui ont sau­té le pas comme leurs col­la­bo­ra­teurs s’y retrouvent. Leur mise en avant pour­ra ins­pi­rer les sui­vants d’au­tant plus faci­le­ment qu’ils sont là en chair et en os, sans théo­rie ni artifices.

En conclu­sion lais­sons la parole à l’émouvant ouvrier de chez Poult qui décla­rait avec son fort accent de l’autre rive « on devrait appe­ler cela les Espoirs Fran­çais du mana­ge­ment car que l’on fait ce n’est ni copier les amé­ri­cains, les japo­nais ou les alle­mands, c’est inven­ter notre modèle, fran­çais ». Don­ner de l’espoir à la France en deuil en quelque sorte. Chapeau.

Emma­nuel Mas

(1) à l’ex­cep­tion notable du récent tra­vail de Gary Hamel sur le Poult Cali­for­nien, Mor­ning star qui fabrique lui de la sauce tomate éga­le­ment sans chef. Voir un résu­mé en fran­çais de l’ar­ticle paru dans la Har­vard Busi­ness Review.