Le 14 février 2023, Chloé Morin déplorait dans les colonnes des « Echos » que sur la réforme des retraites « dès le départ, il y a eu une incapacité à s’accorder sur un diagnostic partagé ». Dans de nombreuses organisations, un diagnostic partagé permet en effet de trouver des solutions créatives à des situations complexes . Rêvons un peu, avec cette méthode à quoi aurait ressemblé la réforme actuelle ?
L’enjeu de la réforme dépasse largement l’âge pivot. La première étape aurait consisté à confier à une équipe la charge de l’organisation de la réflexion collective. Cette équipe aurait alors commencé par identifier l’enjeu véritable. S’agissait-il du futur du travail que nous désirons ? De l’équilibre de notre modèle social ?
Quel que soit l’enjeu, ne pas le clarifier au départ handicapera la réflexion collective. L’absence d’intention claire, si elle permet de faire évoluer les éléments de langage au gré des réactions, brouille la réflexion collective, permettant à chacun d’y mettre ce qu’il souhaite ou ce qu’il comprend.
Absence de cadre
Le COR n’a pas joué le rôle qu’on attendait de lui sur cette première étape. Pourquoi ? Mystère. Toujours est-il que cette absence de cadrage initial a aujourd’hui des conséquences graves.
Un diagnostic partagé ne peut pas fonctionner sans bonne volonté. Une réflexion collective demande que chacun joue le jeu. Dans une deuxième étape, cette équipe aurait sollicité tous les acteurs de bonne volonté avant d’avoir conclu sa propre réflexion, gage qu’elle était prête à faire évoluer son avis.
En miroir tous les participants se seraient vus demander leur accord à une telle participation ayant en main les conséquences : si je participe, j’envisage de changer d’avis.
Différer le débat
L’écoute restera toujours centrale dans les relations humaines. Aujourd’hui nous le voyons dans les réactions, de part et d’autre, chacun ne se sent pas écouté. Que ce soit le pouvoir sur ses « bougés » ou Laurent Berger sur ses demandes d’entretiens.
Pour qu’un diagnostic soit in fine partagé les parties prenantes doivent se sentir écoutées. Pour cela chacun doit pouvoir aller au bout de son point de vue sans interruption ni controverse. Différer le débat constitue la meilleure méthode pour que chacun se sente entendu.
Intégrer les bonnes raisons de chacun rendrait la solution plus pertinente. Retarder le débat, écouter chacun sérieusement avant d’ouvrir les discussions permettrait aux bonnes raisons de chacun d’émerger. Lorsque les personnes sont de bonne volonté, ces bonnes raisons sont bonnes pour le bien commun.
En phase avec l’enjeu
Les mettre à jour demande parfois du temps mais ensuite les solutions coulent de source. L’équipe en charge aurait alors intégré ces bonnes raisons dans un texte prêt pour le débat parlementaire. Le texte aurait été plus directement en phase avec l’enjeu préalablement défini. La solution aurait été également plus durable, ce qui vu le retour régulier des différentes réformes des retraites n’aurait pas été du luxe.
Enfin l’énergie collective créée aurait changé la donne. Un diagnostic partagé, par nature, créé de l’engagement sur les décisions qui en découlent. Les étapes de cadrage, d’écoute puis de discernement des bonnes raisons suscitent l’adhésion autour de la solution.
Eviter le 49–3
Cet avantage primordial va cruellement nous manquer : non seulement nous aurions évité la situation actuelle de recours au 49–3, mais plus important nous aurions construit un socle de collaboration solide, base des réformes ultérieures.
Collectivement nous aurions bien besoin qu’une partie plus importante de notre énergie se focalise sur les solutions à construire pour lutter contre le réchauffement climatique ou adapter notre modèle de société aux changements technologiques. Certes en France, nous n’avons pas l’habitude de compter sur l’intelligence collective mais avec un peu d’efforts une habitude se change. Face à nos enjeux, pourquoi ne pas essayer ?
Belle intention, mais il faut avouer que cette phrase attribuée au grand Winston n’est quand même pas facile à mettre en pratique. Pourtant, comme l’illustre l’histoire suivante elle peut servir à continuer d’avancer.
Sur la photo j’ai reçu la livraison des premiers exemplaires de mon premier livre. Je suis ravi, enthousiaste, mais sa réalisation ne fut pas facile, elle alla d’échec en échec.
En 2019 constatant l’intérêt des dirigeants pour un concept et poussé par Thibault Vignes et Jean-Gabriel Kern me suis lancé dans l’écriture d’un livre sur un sujet qui me tient très à cœur.
Parti une semaine à Barcelone pour écrire tranquillement, j’en suis revenu avec du soleil plein le cœur et un manuscrit illisible. Les bonnes âmes qui acceptaient de le lire peinaient. Une grande éditrice me désespéra par sa remarque « la syntaxe est abominable il faut tout reprendre ».
Désespoir. Je rangeais le manuscrit dans le tiroir.
En 2020, aidé par une éditrice professionnelle j’ai repris l’ouvrage et après des mois d’efforts et une refonte complète aucun éditeur n’en voulait.
Désespoir. Je rangeais le manuscrit dans le tiroir.
Début 2023 sur les conseils de Gabriel Dabi-Schwebel🐸j’ai repris une troisième fois le travail et après correction, reprise et modifications le voici.
Il est (enfin) lisible, clair et concis. Exactement ce que j’ambitionnais.
Je tire deux enseignements de cette histoire:
1 — Ce que je prenais pour une mantra sans fondement de coach motivationnel est vraie : n’abandonnons jamais (nos désirs profonds)
2 — Les échecs cachent une bonne raison : l’ouvrage était réellement illisible dans ses deux premières versions. Grâce aux refus j’ai pu tout refondre. Merci à tous ceux qui m’ont dit non
PS 1: pour ceux qui doutent je ne me suis pas pris pour Francis Huster l’image illustre le propos 😎
PS2 : pour en savoir plus sur le contenu il arrive en librairie en octobre nous aurons le temps d’en reparler 😉