Comme toute culture celle de la trans­for­ma­tion « fait silence » sur cer­tains tabous « par crainte ou par pudeur ». Dans cette série nous vous pro­po­sons de décou­vrir sept tabous qui reviennent sou­vent dans les pro­jets de trans­for­ma­tion. Pour­quoi décou­vrir des tabous ? Parce que « rompre le silence » per­met de gérer les pro­jets d’une manière plus effi­cace. Tout simplement.

La mani­fes­ta­tion

« Dans une orga­ni­sa­tion nor­male les BU obéi­raient au siège ». Com­bien de fois ai-je enten­du cette phrase ? Je l’ai tel­le­ment enten­du que je ne l’en­ten­dai même plus . Une bana­li­té. La pre­mière fois que je m’en ren­dis compte que les choses n’al­laient pas néces­sai­re­ment de soi, ce fut dans une struc­ture à la gou­ver­nance par­ti­ci­pa­tive un peu spé­ciale. Je com­men­çai par me dire que l’ex­cuse était un peu facile. Puis, après réflexion, met­tant la bizar­re­rie sur le compte de leur gou­ver­nance, je fini par me dire qu’ils avaient rai­sons. Puis j’entendis cette phrase dans une mutuelle d’assurance. Alors, mu par une intui­tion, je me mis à fouiller mes archives. Je retrou­vais alors trace du même constat dans une socié­té de l’industrie ali­men­taire à capi­taux fami­liaux, chez un plas­tur­giste euro­péen, dans une entre­prise de res­tau­ra­tion cotée. Dans cha­cun des exemples, les diri­geants déplo­raient de ne pas appar­te­nir à une sorte de « vraie socié­té » struc­tu­rée comme l’était les grands groupes. Puis vint l’é­clai­rage, à l’automne 2019, au der­nier étage d’une tour de la défense, au plus haut niveau d’une socié­té du CAC40 répu­tée pour son obéis­sance. Le “grand groupe” à l’é­tat pur. Plus pré­ci­sé­ment l’i­mage que je m’en fai­sais. Et là, même constat. Les diri­geants du siège déplo­raient la même ren­gaine : les BU n’obéissent pas tou­jours alors qu’elles le devraient le faire dans une orga­ni­sa­tion « nor­male ».

Le tabou

Il faut se rendre à l’é­vi­dence, l’organisation « nor­male » n’existe mal­heu­reu­se­ment pas.

L’idéal sous-jacent

Pour­sui­vons le rai­son­ne­ment impli­cite qui se cache der­rière ce constat. En creux cela signi­fie­rait que l’organisation ne fonc­tionne pas comme elle le devrait, comme une orga­ni­sa­tion « nor­male ». Dans une telle orga­ni­sa­tion « nor­male » les direc­tives du siège seraient exé­cu­tées à la lettre et aus­si, on l’espère, dans l’esprit. Les faits, têtus, démentent cet idéal. C’est d’ailleurs sou­vent l’un des enjeux d’un pro­jet de trans­for­ma­tion que de prendre le temps d’expliquer aux BU les rai­sons du siège, le pour­quoi et le com­ment du pro­jet. Pour­tant nous gar­dons tous en tête, et je l’ai fait moi-même pen­dant une dizaine d’années, cet idéal sous-jacent. Impli­ci­te­ment nous agis­sons comme s’il exis­tait une orga­ni­sa­tion « nor­male » à laquelle l’organisation devrait in fine res­sem­bler. Énon­cer ain­si de manière simple, tout le monde s’accordera rapi­de­ment sur l’inexistence d’une telle orga­ni­sa­tion “nor­male”. Pour­tant dans nos têtes, elle revient dès que l’organisation dans laquelle nous opé­rons se com­porte d’une manière contrariante.

Un exemple

Lors d’un pro­jet de remise à plat des sys­tèmes infor­ma­tions suite à une fusion que nous avons accom­pa­gné, le pro­jet avait deux objec­tifs. Le pre­mier de réus­sir le déploie­ment du nou­veau Sys­tème d’Information dans des délais très ser­rés. Le second consis­tait à aider la dizaine de direc­teurs régio­naux à adop­ter un mana­ge­ment plus conforme à ce que la direc­tion (et nous l’équipe de consul­tants) ima­gi­nait comme le style adap­té à ce type d’organisation. Nous cher­chions à les confor­mer à ce que nous ima­gi­nions être l’organisation « nor­male » pour ce type de busi­ness. Bien sûr nous n’é­tions pas conscient de cher­cher à les “nor­ma­li­ser”. Pour­tant c’est bien ce que nous cher­chions à faire sans nous en rendre compte. Le pro­jet attei­gnit avec les hon­neurs le pre­mier objec­tif et rata brillam­ment le second, comme c’est sou­vent le cas lorsqu’un objec­tif cor­res­pond à l’aspiration au chan­ge­ment d’une trop petite par­tie de l’organisation.

Les béné­fices de regar­der le tabou en face

Il existe sans doute beau­coup de rai­sons conscientes et incons­cientes pour les­quelles nous gar­dons silence sur ce tabou. Les explo­rer nous per­drait sans néces­sai­re­ment nous aider à en sor­tir. Ce n’est pas l’objectif. Quel béné­fice pou­vons-nous tirer à regar­der ce tabou en face ? Com­ment deve­nir anti­fra­gile sur ce point ?

Si nous consi­dé­rons que chaque orga­ni­sa­tion est sin­gu­lière, nous pou­vons inter­pré­ter chaque mani­fes­ta­tion de « dévia­tion » par rap­port à la « nor­male » comme un com­por­te­ment que nous ne com­pre­nons pas. Vu sous cet angle, toutes les mani­fes­ta­tions de cette orga­ni­sa­tion qui nous parai­tront bizarres nous ren­sei­gne­ront un peu plus sur le com­por­te­ment de cette orga­ni­sa­tion. Au lieu de perdre notre éner­gie à déplo­rer que l’organisation ne soit pas conforme à un idéal impos­sible, nous pour­rons petit à petit ren­sei­gner un mode d’emploi de l’organisation, décri­vant com­ment elle se com­porte vrai­ment. Depuis que nous opé­rons ain­si avec mes asso­ciés nous avons acquis chez nos clients de longue date une effi­ca­ci­té épous­tou­flante. Et aus­si nous sor­tons des pro­jets bien moins frustrés !

Pour aller plus loin

Pour apprendre à rédi­ger le mode d’emploi et uti­li­ser des outils qui rendent la trans­for­ma­tion anti­fra­gile vous pou­vez par­ti­ci­per au pro­chain ate­lier « la trans­for­ma­tion anti­fra­gile » : dates et ins­crip­tions ici :http://www.latransfodanslapeau.com/formation/